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Marcel Mauss - Il n’y a pas une religion, mais des phénomènes religieux | « zpět na seznam textůKliknutím SEM přehrajete celý text. (kliknutím na danou větu ji přehrajete)
La religion dont parle le philosophe n’est ni telle religion déterminée, ni l’ensemble des systèmes religieux entre lesquels se sont partagés ou se partagent encore les hommes. Le concept qu’il s’en fait correspond à ses sentiments propres ; il est formé d’après des impressions toutes subjectives. Aussi le voit-on souvent varier, au cours d’une même discussion, suivant les impressions du moment Kant lui-même, ce rigoureux scolastique, n’est pas exempt de reproches de ce genre. Non seulement le concept philosophique de religion n’est pas vraiment constitué, il est encore tout idéal et ne correspond que de très loin à la réalité. Il n’y a pas, en fait, une chose, une essence, appelée Religion ; il n’y a que des phénomènes religieux, plus ou moins agrégés en des systèmes qu’on appelle des religions et qui ont une existence historique définie, dans des groupes d’hommes et dans des temps déterminés. Que tous ces phénomènes et ces systèmes aient, entre eux, des ressemblances suffisantes pour qu’on puisse tous les appeler du même nom, et en faire l’objet d’une étude unique, c’est ce qui a été démontré ici. Mais ces ressemblances ne constituent pas une chose à proprement parler, une substance, dont l’essence puisse être soit devinée par intuition, soit atteinte par déduction, de manière à ce que la réflexion du philosophe puisse s’y appliquer immédiatement. Est-ce à dire que nous nous désintéressions complètement de toute recherche d’ensemble sur la religion, c’est-à-dire sur le total des phénomènes religieux . Nous ne pouvons penser ainsi, parce qu’alors nous tomberions dans un nominalisme pur, un historicisme que nous combattons précisément. Il n’y aurait que des phénomènes isolés, sans lien rationnel, dont on ne pourrait faire que la description, jamais la théorie. Tout au contraire, nous estimons qu’entre la philosophie et la simple histoire, il y a place pour une sévère discipline inductive. Chaque phénomène étant mis à sa place propre, on remonterait, de caractères généraux en caractères généraux, jusqu’à obtenir des faits tellement universels, tellement constants dans toute religion possible, que l’on fût assuré d’être en présence, sinon d’une essence proprement dite, du moins d’un phénomène ou d’un groupe de phénomènes indispensables pour qu’il y ait religion.
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